Depuis notre retour de la Péninsule Antarctique, il y a eu plein d’imprévus et aussi un peu de prévu qui nous ont tellement occupé le corps et l’esprit que je n’ai pas trouvé le temps durant ces 4 derniers mois de vous raconter nos aventures qui se déroulent au bout du monde! 

Je me lance! 

Le 12 février: deux jours que nous avions touché terre ou plutôt que nous étions de retour à la civilisation. Tous ces voiliers amarrés au Micalvi de Puerto Williams nous a surpris, tous ces gens, ces voyageurs pour la plupart, nous ont donné le tournis. On était bien avec les manchots et les icebergs ces deux derniers mois. 

Bref on se sentait pas prêts à renouer les liens avec les humains .. et le trafic.

Notre zarpé (papier de départ de la capitainerie) en poche, nous avons décampé au soleil couchant et rejoint la caleta Silvia un lieu de pèlerinage mais surtout un petit mouillage bien tranquille à quelques kilomètres de Puerto Williams afin de nous refaire une santé et atterrir en douceur sans personne aux alentours. Seulement des vaches et des chevaux. Deviendrait-on de vrais sauvages ? 

4 jours plus tard, avec plus de 12 kg de Calafate (myrtilles) récoltées puis transformées en confiture nous étions obligé de rentrer au Micalvi pour recharger nos bonbonnes de gaz et racheter du sucre pour continuer notre industrie de confiture!

Puis notre ami Cristobal, accompagné par Monique et Hervé, ont débarqué à Puerto Williams pour s’occuper du voilier Manamo mal en point. Pendant que Robin les aidait à remettre la quille, je m’attellais aux fourneaux ! 

Nous avons passé une belle semaine ensemble à bien rigoler et bien manger. Je crois bien que grâce à eux, nous avons pu renouer nos liens amicaux et sociaux avec les humains! 

Le 1er mars: Igor et Adriana du voilier Kotik nous ont proposé de monter à bord pour une virée de deux semaines avec leurs deux chattes et leurs amis. 

Un voyage sans prétention pour aller faire un tour de l’île de Gordon. On n’a pas hésité! On a laissé Metani bien amarré à la bouée et on est partis avec quelques affaires sous le bras à l’aventure avec des gens qu’on connaissait à peine! 

Quelle expérience sensationnelle! 

Au réveil câlin de Ada la siamoise, aux échanges riches et animés, aux mets gastronomiques préparés à tour de rôles, à la destruction de barrages de castor et leur chasse sans précédent, aux fous rires autour des innombrables parties de carte, à la pêche au saumon, aux balades avec vue extraordinaires, aux bbq exquis sur la plage suivis ou précédé d’une partie de spike ball.. à la découverte de baies et de fjords spectaculaires où le seul mot qui sort de la bouche est le « wahoo » et suivi des bruits clic clic clic de l’appareil photo.

Cette aventure spontanée vécue sur un autre bateau nous a fait découvrir une autre facette de ce bout du monde et nous a lié d’amitié avec des gens uniques. 

De retour à Williams, Robin n’a pas tardé à recevoir son fusil à air comprimé et dès que l’occasion se présentait il était parti à la chasse au castor avec son copain Igor! Ça rime en plus! 

Ces deux là s’entendent bien! D’ailleurs on prévoit une autre aventure à bord de Kotik pour la fin avril.. 

Pendant ce temps-là, je prenais un cours de poterie avec Anita dans son studio La Banduria. Je créais des petites tasses pour boire le café ou pour contenir des apéritifs. La poterie pour moi c’est un peu comme le jardinage. Ça me permet de méditer en créant des choses en même temps. 

Le 26 mars : Nous sommes allés à Ushuaia en Argentine avec le Kotik, Igor, Adriana et les deux chattes pour faire un peu de shopping! Acheter du fromage, du vin, des légumes, des croissants et des pains au chocolat. 

Ushuaia c’est la vraie ville avec tout ce qui va avec!! 

Nous avons fait une séance de chiropractie, profité de manger dans des bons restaurants, commandé notre nouveau moteur hors bord et surtout prolongé notre visa chilien. 

Étant donné que nous devons sortir du pays tous les trois mois, on a pris un peu de marge cette fois-ci ne sachant pas quand on pourra ressortir du Chili la prochaine fois. Ushuaia est situé sur la rive nord du canal du Beagle à 25MN de Puerto Williams. Il faut environ 5 heures à nos petits bateaux pour y arriver et surtout une fenêtre météo sans vent d’ouest! Ce qui est plutôt rare dans le coin. 

Une fois de retour à Puerto Williams 4 jours plus tard, nous avons fait de la place dans Metani pour accueillir notre amie suisse Guylène. 

Arrivée un 1er avril on s’attendait au pire mais tout s’est bien déroulé! Même sa dernière correspondance de Punta Arenas à bord d’un petit coucou est arrivée à l’heure sous un magnifique soleil! 

Le lendemain, la tempête de neige nous a bloqué deux jours à Puerto Williams. Nous avons tenté la marche jusqu’au sommet du Cerro Bandera mais la neige nous barrait le chemin. On s’est contenté d’admirer la vue au stop intermédiaire et avons bu un bon cappuccino au café Campero.  

Le 4 avril : la météo nous a permis de faire de l’Ouest. Nous sommes partis faire le tour de l’île Gordon! C’est ce qu’il y a de plus beau dans le coin. 

Pendant ces trois semaines, Guylène a vécu une vie d’aventurier comme on en rêve enfant. Elle est allée poser le filet à poisson avec Robin de nuit, suivi les traces de castors jusqu’à sa hutte. Elle est restée à l’affût pendant des heures à manger des baies de chaura jusqu’à l’attente du moment propice au tir! Touché, coulé ! Non vite il faut courir pour le récupérer avant qu’il ne coule. Puis rebrousser chemin et retrouver le bateau avant la nuit pour le dépecer. 

Le carré de Metani se transformait en boucherie le temps de lever les filets que je m’apprêtais à cuisiner façon bourguignon! Un vrai délice!! 

Le castor est un fléau en Patagonie. Une espèce invasive qui malheureusement détruit le peu de forêt qui tient encore debout malgré les tempêtes.  12 spécimens sont introduits en Argentine en 1940 dans le lac Fagnano. Ils sont aujourd’hui plus de 200’000 à proliférer entre le détroit de Magellan et le cap Horn, des régions inhabitées et difficiles d’accès. Ils sont devenus difficiles à réguler. 

Nous avons gravi ensemble des montagnes  en traçant notre propre chemin à travers une végétation dense à la recherche de la vue imprenable sur les fjords et les glaciers qui nous entourent. Nous avons mangé une fondue au fromage de la laiterie de Pomy dans le cockpit de Metani face au glacier Pia sous un soleil étincelant!

Nous avons vécu à trois avec la nature dans un silence pur. Seul le chant des ruisseaux et des cascades, de la glace brisée par Metani, le grondement du glacier qui se fracture, de l’eau sur la coque ou du sifflement d’une rafale soudaine. 

A bord, nous avons partagé des discussions riches et joviales. Du crochet, de la peinture, des jeux de carte et des repas variés et animés.

C’était bon de partager notre quotidien avec Guylène. 

Le 22 avril je me suis envolé à bord du petit coucou avec Guylène en direction de Punta Arenas. 

Je l’ai raccompagné un petit bout sur son retour en Suisse et j’en ai profité surtout pour passer des examens médicaux pour savoir ce qui se cachait sous cet immense hématome que j’ai depuis 5 mois dans le dos. Après 1 heure de claustrophobie intense et avec les oreilles en sourdines je suis ressortie tant bien que mal de ma séance d’IRM. Le lendemain, j’avais rendez-vous avec un neurologue pour découvrir mes résultats. Verdict: deux fractures bien distinctes sur les deux vertèbres dorsales et lombaires. Quelques millimètres de plus et c’était la paralysie totale. Je ne sais pas si ce sont les résultats qui m’ont choqué ou plutôt la discussion avec le neurologue qui n’en revenait pas que je puisse me tenir debout là devant lui et simplement marcher. Pour lui c’est un miracle ! Il me dit que si je ne crois pas en Dieu il faut que je commence à y croire. Sous le choc je suis rentrée à l’hôtel et j’ai pris conscience que la vie ne tient qu’à un fil, qu’il faut la vivre pleinement! 

Alors le soir même on a levé nos verres à la vie avec Guylène dans un petit restaurant très sympathique avant de repartir lendemain matin chacune de notre côté rejoindre notre maison. 

Le 26 avril: nous avons embarqué pour la troisième fois à bord du Kotik. 

Alex (brésilien), Albert et Fernando (chiliens), nous deux (les petits suisses) et Carmen et Ada les deux chattes, écoutions attentivement le briefing du capitaine Igor (franco brésilien uruguayen) avant de prendre nos quartiers dans le Kotik et se mettre en route en direction de l’Est et des Îles Malouines. 

Nous devions aussi repeindre la coque du Kotik. Pour cela nous sommes allés échouer le bateau dans la baie de Thétis située sur la péninsule Mitre au bout du bout de l’Argentine. Cet endroit bénéficie d’un coefficient de marée plus important que dans la région de Puerto Williams et nous permet d’avoir assez de temps pour nettoyer et poncer la coque avant d’appliquer dans la foulée la nouvelle peinture anti fooling. 

Ensuite nous avons exploré la côte nord de l’île des États. Pendant deux semaines nous alternions entre balade à terre, prélèvements de cerfs et de chèvres, marche en montagne et pêche au crabe royal. 

Le tableau de chasse se remplissait bien. Le carré du Kotik sans cesse alternait entre boucherie, atelier de conserves et parties de cartes délirantes.

Sur le bateau on parlait espagnol pour que tout le monde se comprenne. Enfin je suis pas sûre qu’ils comprenaient tout ce qu’on disait avec Robin. Heureusement Igor était le traducteur! On a appris beaucoup de nouveaux mots! 

Un jour, un copain a manqué à l’appel. Il n’ était pas de retour au bateau avant le coucher de soleil. Fernando s’est perdu dans la montagne. Une soirée d’angoisse qui heureusement s’est bien terminée. Un événement qui unit encore plus fort les liens entre les humains. 

Malheureusement le temps passait trop vite, impossible de rejoindre les Îles Malouines car nous devions déjà retourner en direction de Williams.

Enfin nous avons fait un grand bbq, un asado comme disent les chiliens et joué au Spikeball une dernière fois tous ensemble avant de se dire au revoir! 

Eh oui c’est comme ça notre vie de voyageurs. Elle est agrémentée de rencontres sensationnelles. Des gens et des lieux qui te manquent plus que d’autres à jamais et enfin suivis par des départs qui te font pleurer… 

Comme dit très bien Igor: “Tu passes ta vie à dire au revoir! C’est ça le voyage en bateau. Et si tu n’es pas prêt à l’accepter c’est que tu n’es pas fait pour ça! “

On reviendra un jour! Hasta luego Puerto Williams !!

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