29 mai:
Ciao Puerto Williams !
C’est toujours difficile de quitter un endroit où on a passé un certain temps. un endroit où
on a rencontré des personnes fabuleuses avec qui nous avons échangé des moments
intenses et vécu des expériences inoubliables.
Puerto Williams a été notre refuge pendant plus d’une année. C’est ici qu’une nouvelle
aventure a débuté avec notre nouveau bateau Metani.
Mais il est temps de poursuivre notre voyage, notre épopée autour du monde à la découverte
d’autres contrées sauvages. On reviendra! C’est sûr.. car il y a encore tant de caletas à
explorer et d’aventures à vivre dans ce coin magique du bout du monde!
Alors Hasta Luego !
Nous rejoignons la Caleta Olla, vers 20h il fait déjà nuit noire. Robin se tient à l’avant du
bateau avec sa grande torche qui éclaire toute la baie et les quelques glaçons qui dérivent sur
le chemin.
C’est une caleta que nous avons visitée déjà quelques fois, seuls et avec des amis, car elle
offre une randonnée avec un point de vue des plus grandioses sur le Beagle et les deux
glaciers qui la surplombent. Cependant ce n’est pas au programme du lendemeain. Ce soir
nous y dormons (juste) et lèverons le camp dès l’aube pour la remontée des canaux.
30 mai:
On passe devant le glacier Italia qui frôle encore le canal du Beagle.. un des derniers.
Heureusement, aujourd’hui il pleut ; le brouillard n’est pas loin, la visibilité est affreuse!
C’est mieux comme ça .. on est moins tenté de rester encore dans le coin un petit mois de
plus!
31 mai:
Bien à l’abri dans notre port Almeida au bout de la terre de feu .. nous attendons que la météo
s’améliore pour continuer notre route dans les canaux. On brave le froid pour aller se
dégourdir les jambes. On prend de la hauteur pour voir mieux et s’éblouir les yeux. On profite
des rayons de soleil qui se font de plus en plus timides. On parle aux lions de mer qui nous
rendent visite .. On patiente..
5 juin :
Hier après avoir refait le plein d’arc-en-ciel et marché une dernière fois sur la grande Terre de
Feu, nous avons eu la chance de voir une chouette pigmée de Patagonie. Sûrement un bon
présage car les fichiers météo nous offrent enfin après une semaine d’attente.. 4 jours de vent
plus ou moins abordable pour avancer et espèrer rejoindre le détroit de Magellan !
6 juin :
Difficile de négocier avec le vent, il est intraitable. A peine sorti du canal Pomar, on louvoie
difficilement au moteur dans le canal Ballenero, on avance à 3 noeuds contre 30 noeuds de
vent pile de face. Il fait 7 degrés au thermomètre.. ressenti environ 3 degrés ! On se rapproche
au plus près de l’île Grande pour se mettre au moins à l’abri des vagues. On serre les fesses
encore 4 MN. Puis on pioche l’ancre dans une baie au nord-est de l’île. Rien ne sert de se
battre contre les éléments. On va attendre l’accalmie. On est malgré tout très contents car on
a pu avancer un petit chouïa !! Et maintenant c’est l’heure de la douche!!
7 juin:
80 MN, une belle avance sans trop de vent ni de mauvais temps. Des dauphins australs nous
ont guidé à travers l’entrée du canal Barbara en même temps que le soleil apparaissait
derrière les montagnes. Nous nous sommes ancrés dans une petite baie située au milieu du
canal pour attendre la bascule de la marée et reprendre notre course avec du courant portant.
Qu’est ce que ça fait du bien d’éteindre le moteur.. on peut entendre le souffle des baleines et
les cris des manchots de Magellan qui sont aussi là, à profiter du calme de la baie et manger
des sardines. Ce soir on va poser le panier à crabe et voir ce que ça dit!
8 juin:
On se rapproche de l’endroit critique qui marque la sortie du canal Barbara. On dirait pas là,
mais on a 20 noeuds de vent dans la figure!! Ah ce vent il nous tient rigueur! Mais comme le
plan d’eau est quasi lisse on avance tout de même à 4,8 noeuds.. on devrait être juste à
l’heure pour passer à l’étale de la marée dans le Paso Shag!
11 juin:
Depuis 5 jours on cavale, on fait de la route, on avance au nord-ouest tant que la météo nous
encourage et que le vent nous pousse dans le bon sens! On navigue de jour essentiellement.
On s’arrête dans des jolies petites baies pour y passer la nuit bien à l’abri du vent. Enfin
“jolies” on sait pas trop. On ne voit pas grand chose car la nuit tombe aussi vite qu’un rideau
de théâtre! Dès notre ancrage terminé les lumières s’éteignent. Pouf!! Sur le pont, on
écarquille encore un peu les yeux au maximum pour entrevoir le paysage qui nous entoure.
Mais c’est l’imagination qui prend le dessus alimentée par les bruits avoisinants .
Le détroit de Magellan et le canal Brecknock sont maintenant derrière nous. Ouf! Deux
passages critiques quand on remonte les canaux du sud au nord.. Des endroits où le vent
s’acharne et peut nous coincer des semaines .. on s’en est bien sortis pour le coup! Notre
navigation dans le détroit de Magellan était un régale, avec une moyenne de 20 noeuds de
vent au portant et on avançait à 6,7 noeuds sous génois seulement! C’est monté jusqu’à 40
noeuds de vent le deuxième jour ; on faisait des surfs à plus de 10 noeuds! La grande classe!
Dans le bateau tout était stable, on sentait à peine la gîte.
Depuis notre arrivée dans le canal Smyth on a dû relâcher l’accélérateur. De toute façon la
météo nous y oblige car à nouveau elle nous envoie du vent de face pour les trois prochains
jours. Alors on s’est dirigé vers le canal Simpson pour explorer une zone non cartographiée et
trouver un mouillage avec une belle montagne à gravir située pas très loin du bateau et des
baies avec du sable et de la vase pour pêcher du Robalo.
15 juin :
Pendant que je dormais, Robin est parti à l’aube (9:30) faire un plein d’eau à la cascade située
à l’entrée de la baie où est mouillé Metani.
C’était prévu de faire le plein hier après-midi à notre arrivée dans puerto Bello, mais à notre
grand désarroi impossible de trouver un petit robinet accessible depuis le bord!! Pour cause:
une marée extrêmement haute et une végétation inaccessible!
Ce matin à marée basse, c’était plus facile!
Aujourd’hui c’était notre première journée de soleil et de ciel bleu du matin jusqu’au soir!! Ça
faisait deux semaines qu’on jouait à cache-cache avec lui! On a même eu un petit peu de vent
portant dans le Canal Smyth et celui qui n’a pas de nom, Le pied !!
Du coup, on avance au max en direction du nord avant la prochaine dépression annoncée
pour demain midi! Et celle-ci risque de durer quelques jours..
Juste avant le coucher du soleil, la cordillère Sarmiento vêtue tout de blanc défile devant nos
yeux comme un dia show : c’est spectaculaire! Par contre il fait un froid glacial et mes mains
ont bien faillit geler sur l’appareil photo!
On est au moteur dans le canal Sarmiento actuellement sous un ciel étoilé de malade!!
Il n’y a pas grand monde. On a croisé un pétrolier bien indiqué sur l’AIS contrairement aux
pêcheurs qui eux ne sont visibles qu’à vue et heureusement au radar.
16 juin:
À chaque fois c’est la même chose .. quand tu te fais la remarque que ça va arriver mais que
finalement ça peut aussi ne pas arriver .. et ben boum dans les dents! Enfin dans la coque!
Je vous explique :
Nous sommes en pleine navigation au moteur de nuit dans le canal Sarmiento. Au moment du
rétrécissement du canal, je vois sur la carte de navigation isailor, un onglet I comme info, je
clique dessus et je lis : risque potentiel d’iceberg à la dérive..
Merde ! C’est deux heures du matin, je vois que dalle dehors même si la pleine lune éclaire le
paysage, impossible de voir si il y a de la glace qui flotte devant!
N’empêche que je sors toutes les 15 minutes et je scrute l’horizon à l’aide de la torche méga
puissante, mais je ne vois toujours rien. Alors je prie pour que la voie reste libre de glace.
Et je commence à m’inventer plein de scénarios. D’abord avec la météo : je conclus que le
vent dominant soufflant du nord a bien dû repousser la glace dans les fjords des glaciers.
Ensuite du côté température, il doit y avoir de la banquise accrochée au glacier qui empêche
les growlers de circuler…
Bref vers 3h du mat je commence à tomber de fatigue et je réveille Robin. Je lui fait part de
mon inquiétude quant à un risque potentiel de heurter de la glace.
Et qu’on devrait peut être s’arrêter dans une baie et attendre que le jour se lève pour continuer
notre route.
Mais Robin semble serein et prend le relais tout en continuant notre route qui nous rapproche
du fameux fjord : estrecho Peel qui potentiellement vêle de la glace.
Et là: Boum!
Je saute du lit en moins de deux et questionne Robin qui a déjà bondi dehors pour voir ce que
nous avions heurté et qui arrête le bateau.
De la glace ! Un morceau de 6×4 mètres vient de nous heurter ! Enfin on a foncé sur l’iceberg.
heureusement pas de plein fouet mais sur son flan ce qui nous a fait ricocher.
Dès lors 3 possibilités s’offrent à nous :
1: faire demi tour et s’arrêter dans la baie mentionnée plus au sud.
2: arrêter le bateau et se laisser dériver.
3: continuer notre route en faisant une veille constante.
Commence alors une veille intense pour Robin perché à l’avant du bateau avec sa torche !
Pendant trois heures, il brave le froid, il scrute l’horizon et évite 4 autres growlers avec la
télécommande du pilote automatique en main puisque moi je suis retournée dormir.
Puis à peine engagés dans le canal Pitt, la pluie et le vent s’en mêlent, il est temps de
capituler et de nous orienter vers la baie la plus proche pour nous amarrer à la première lueur
du jour.
On s’engage alors dans un endroit non cartographié mais qui semble être un abri bien
protégé. Cette fois je me suis habillée et j’ai rejoint le cockpit pour aider Robin à la
manoeuvre.
Grâce aux images satellites nous nous faufilons sans mal à travers les petits îlots vêtus d’une
intense végétation et trouvons notre refuge au fond de la baie pour nous abriter pendant les 4
prochains jours.
Il est temps de prendre une bonne douche et de dormir !
